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Le froid, ce "mal" qui nous veut du bien

Dernière mise à jour : 25 mars 2022

On est nombreux à avoir cette idée en tête : Le froid, ça rend malade et c’est inconfortable. Ca peut même tuer !

Le froid, nous le côtoyons la moitié de l'année mais au-delà des "on-dit", le connaissons-nous vraiment bien?


Il est évident qu’un froid trop intense ou trop prolongé est dangereux, car il provoque des blessures localisées telles que les engelures, ou une réduction globale de la température du corps (hypothermie) aux conséquences funestes.

Dans un environnement sans vent, ce risque apparait lorsque les températures sont négatives. Ce qui laisse une certaine marge.

Sources: INRS, trimestriel Références en santé au travail n°160, décembre 2019, page 37 [https://www.inrs.fr/dms/inrs/CataloguePapier/DMT/TI-TC-167/tc167.pdf]

Mais quel est l’impact sur notre santé d’un froid modéré ? Est-il vraiment néfaste ? Et si, grâce à lui, notre corps se trouvait renforcé ?


Voyons ce que dit la science des impacts du froid "doux" sur notre santé.


L’équipe du professeur van Marken Lichtenbelt de l’Université de Maastricht travaille sur ce sujet depuis longtemps, et a produit de nombreuses publications. En particulier, un review particulièrement clair en 2017, sur lequel se base cet article[1].


Les auteurs se concentrent sur les effets bénéfiques de l’exposition au froid "doux". Ce froid "doux" est défini comme étant celui qui ne va pas jusqu'à nous faire trembler, frissonner, soit toutes les ambiances sous « la norme » de 19-20°C avec un minimum estimé entre 14 et 16°C pour un adulte normalement vêtu et en bonne santé (Celi et al., 2010). Difficile d’être très précis, car il y a une grande variabilité entre individus, ainsi qu’une capacité du corps à s’adapter à des températures fraîches répétées. Globalement, on parle donc ici de toutes ces ambiances qui seront décrites comme froides ou fraîches, dans lesquelles le corps réagit à une température basse, notamment par une augmentation du métabolisme, mais sans aller jusqu’à déclencher ce mouvement involontaire caractéristique qu’est le frissonnement. On est donc dans des formes adaptations physiologiques moins perceptibles, et donc moins gênantes a priori.


Les études auxquelles ces chercheurs font référence dans leur review, dont beaucoup ont été réalisées par leur équipe, se basent sur l’exposition de volontaires à des cycles de températures fluctuant entre les ambiances « classiques » et des situations plus froides, en général plusieurs heures par jour pendant quelques semaines. Pour cela, les volontaires sont invités à passer une partie de leur journée dans des chambres climatiques, c’est-à-dire des locaux dans lesquels les conditions d’ambiance sont contrôlées avec précisions. Leur habillement, niveau d’activité, etc. sont alors mesurés, ainsi que différents paramètres physiologiques.


Quels sont les résultats ? Les effets du froid léger identifiés concernent trois aspects : l’obésité, le diabète et le système cardiovasculaire.


Au niveau de l’obésité : L’exposition au froid augmente, en réaction, la production de chaleur par le corps (thermogénèse). L’ampleur de cette réaction et sa dépendance à la température est très variable d’un individu à l’autre (van Ooijen et al., 2004).


Au cœur de la réaction du corps : les graisses brunes, bien connue des scientifiques étudiant les mammifères en hibernation, mais également présentes chez l’humain. Ces tissus ont la propriété de pouvoir générer activement de la chaleur dans le corps, en réaction à une exposition au froid. A ne pas confondre donc avec la graisse que l'on connait plus classiquement, dite « blanche », qui isole et sert au stockage d’énergie sous forme chimique.


Notre corps est un modèle de résilience: suite à une contrainte il va chercher à se développer pour être plus apte à y faire face les prochaines fois. Ainsi, comme nos muscles qui se renforcent sous l'exercice, ces graisses brunes se développent lors d’expositions répétées au froid. Ceci explique et démontre notre capacité à s’habituer et s'entrainer au froid. Grâce à ces graisses brunes qui se développent, notre corps augmente la capacité de sa "chaudière interne" à produire de la chaleur pour faire face aux prochaines expositions au froid. Et comme pour le sport, au bout des quelques temps ce qui était une contrainte et difficile, devient facile, normal et plaisant... merci le corps !

Image de l’activité des graisses brunes avant et après acclimatation au froid. Source : van der Lans et al. (2013).

La répartition de ces graisses thermoactives dans le corps est également liée à la localisation corporelle de l’inconfort : lorsque l’on a froid, c’est en général dans une partie donnée du corps. Identifier cette partie, ce que nous sommes trop peu habitués à faire, peut nous aider à compenser l’inconfort de façon optimale.


Lors des expériences visant à maximiser la réaction de thermogénèse, les chercheurs ont constaté que jusqu’à 30% de la dépense d’énergie du corps pouvait être dédiée à la production de chaleur chez de jeunes adultes, pour des expositions à des températures de 14 à 16°C (van Ooijen et al., 2004). Ils ont également constaté qu’une exposition à 17°C deux heures par jour pendant 6 semaines suffit à augmenter la thermogénèse et conduit à une perte significative de masse graisseuse (Yoneshiro et al., 2013). Des ambiances fraiches ou dynamiques (alternant entre la neutralité et la fraîcheur) peuvent donc contribuer à la maîtrise du poids des individus.


Impact sur le diabète : Il est démontré que l’exposition à des ambiances fraiches augmente la capacité à métaboliser du glucose. Lors d’une expérience d’exposition intermittente au froid (10 jours, 6 heures par jour à 15°C), des personnes atteintes de diabète de type 2 ont vu leur sensibilité à l’insuline augmenter de 43%, avec un impact positif sur leur profil glycémique et, partant, une réduction des risques de complications liées au diabète. L’ampleur de cette augmentation de sensibilité est estimée similaire à celle des thérapies médicamenteuses ou basées sur l’activité physique (Hanssen et al., 2015).


Impact sur les maladies cardiovasculaires : En soit, l’exposition au froid présente un risque cardiovasculaire, car elle peut augmenter sensiblement la pression sanguine et la tension artérielle. Cependant, plusieurs études indiquent que l’exposition répétée à un froid modéré atténue les risques encourus lors des expositions « sévères ». (Makinen et al., 2008). Notamment, les chercheurs observent une augmentation du volume sanguin (Nielsen et al., 1993), une baisse du rythme cardiaque pour des efforts physiques données (Weller et al., 2007), et une augmentation du débit cardiaque (Lorenzo & Minson, 2010).


L’hypothèse est que l’exposition répétée au froid agirait comme un entrainement du système cardiovasculaire, entretenant sa bonne santé et le rendant plus résilient lors de situations de stress.


Au-delà de ces trois aspects (obésité, diabète et système cardio-vasculaire), d’autres effets potentiels méritent d’être investigués. Il y aurait notamment des indices (des observations à l’échelle cellulaire) que l’exposition répétée au froid renforcerait à court terme le système immunitaire et la résistance aux maladies respiratoires telles que la grippe et la pneumonie.


Selon les auteurs du review, les données sont encore insuffisantes pour proposer des protocoles d’exposition au froid idéaux. La grande variabilité entre individus n’aide pas à définir des conditions d’ambiance idéales à recommander. Et les effets sur la santé à long terme ne sont pas encore clairs non plus. Mais les indications sont suffisantes pour casser l’idée du froid comme source des problèmes de santé. Au contraire, une expositions régulière à des ambiances fraiches a des effets positifs démontrés.


Faut-il pour autant vivre dans l’inconfort ? Non, puisque d’une part le corps a la capacité de s’adapter, et d’autre part la sensation de contraste thermique peut, dans certaines conditions, être jugée agréable.


Ce n'est peut-être pas anodin si dans les pays nordiques et froids, un grand nombre de pratiques, de rituels impliquent l'exposition au froid (bains matinaux dans les lacs, passage du chaud au froid dans les saunas, école et sieste dehors...). Autant de reliques qui traduisent un amour et une culture du froid, aujourd'hui inexistante dans nos régions.


Alors prêts à accueillir le froid pour une « promenade de santé en dehors des zones de confort » ?


[1] Healthy excursions outside the thermal comfort zone, W. van Marken Lichtenbelt, M. Hanssen, H. Pallubinsky, B. Kingma and L. Schellen, Building Research & Information 2017 Vol. 45 Issue 7 Pages 819-827, DOI: 10.1080/09613218.2017.1307647

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